Martyr Social Jésuite 2 – Frère Vicente Cañas, s.j. – Kiwxi, L’amitié sociale au défi du Brésil et de la Compagnie de Jésus
En ce mois de mai, nous rendons hommage à l'esprit indomptable des peuples indigènes qui, face à l'adversité, nous enseignent le pouvoir de la réconciliation. En ces temps difficiles, nous honorons la vie de nos compagnons jésuites qui, animés par leur foi et leur dévouement, ont servi les plus marginalisés de notre société. Leur vie est un témoignage de l'esprit humain, qui nous inspire à rechercher l'unité avec les autres, avec notre Terre et avec notre Créateur.
Le
frère Vicente Cañas Costa, originaire d'Albacete (Espagne), s'est embarqué dans
une odyssée désintéressée vers le Brésil en tant que missionnaire, adoptant le
nom de Kiwxi. Son voyage a été marqué par un profond sentiment de détachement,
car il a laissé derrière lui sa nationalité, sa culture, sa sécurité, son
histoire et ses compagnons pour embrasser un environnement complètement
étranger. En sortant de sa zone de confort et de sa sécurité traditionnelle,
Kiwxi s'est consacré au service radical du peuple Enawenenawê. Il a incarné les
enseignements de saint Ignace de Loyola, montrant que l'amour s'exprime mieux
par les actes que par les mots.
Le processus radical de détachement et d'incarnation de Kiwxi est la genèse d'un nouveau style de travail missionnaire qui donne sa vie sans se soucier de convertir les autres à la foi chrétienne, mais qui démontre au contraire le témoignage essentiel de Jésus-Christ, qui sacrifie sa vie pour que les autres "aient la vie, et la vie en abondance" (Jn 10,10).
Cet aspect du service désintéressé, sans imposer
aux autres, est ce que les Enawenenawê retiennent de Kiwxi : sa capacité à être
avec eux sans prétention, à participer à leurs activités de pêche, d'entretien
des jardins, de construction des maisons, etc. Ils se souviennent surtout de sa
capacité à participer et à vivre leurs rituels comme d'une expérience
spirituelle profonde qui les a tous enrichis (y compris Kiwxi) au plus haut
point.
Kiwxi a décidé avec un autre compagnon missionnaire,
Thomaz Aquino Lisboa, de se rendre dans le nord-est du Mato Grosso, où
différentes communautés indigènes, parmi lesquelles les Mÿky et les
Enawenenawê, étaient concentrées dans des zones isolées. Tous deux sont les
fondateurs du Conseil missionnaire indigène du Brésil (CIMI), marqué par une
nouvelle façon d'aborder les nations indigènes : les accompagner, vivre avec
elles et vivre (autant que possible) comme elles. Lorsque les deux
missionnaires sont arrivés dans la communauté, celle-ci ne comptait que 97
personnes ; aujourd'hui, elle en compte un millier. C'est en partie grâce au
travail de Vicente Cañas, qui les a aidés à lutter contre les propriétaires
terriens qui voulaient s'approprier leurs terres.
Depuis
1975, Vicente Cañas a consacré toute sa vie aux Enawenenawê. Il a participé à
leurs rituels, a pêché avec eux, a travaillé avec eux dans les plantations de
manioc et dans la récolte du miel. Il a même appris leur langue et a fini par
devenir l'un d'entre eux. Il s'est construit une hutte au bord de la rivière
Juruena, à une soixantaine de kilomètres du village communautaire, pour ses
retraites spirituelles et les quarantaines qu'il effectuait pour éviter de
propager des maladies au sein de son peuple. Vicente a été menacé de mort par
ceux qui voulaient envahir et s'approprier les terres des Enawenawê. Son corps
a été retrouvé 40 jours après son assassinat dans la cour de sa maison, déjà
momifié par la nature, le 16 mai 1987. Aucun animal de la jungle ne l'avait
mangé, ce qui a permis de reconstituer la scène du crime
Kiwxi avait une expérience personnelle du Christ, marquée par la spiritualité ignatienne, qui ne nécessitait pas de béquilles ; sa foi était inébranlable et il savait que la puissance du Seigneur ressuscité lui permettrait d'aimer ses frères indigènes jusqu'au bout et d'affronter le martyre sans hésitation. Sa façon d'être en communion avec eux l'a conduit à être aussi en communion avec Dieu. Son martyre est devenu un témoignage pour tous les missionnaires qui travaillent avec les peuples indigènes.
Son souvenir inspire beaucoup de ceux qui travaillent avec les peuples indigènes, c'est pourquoi il est appelé le Martyr des causes américaines. Sa vision humanisante et missionnaire s'enracinait dans le soutien aux plus vulnérables de la société pour défendre leur territoire et leurs modes de vie légitimes.
Kiwxi,
le martyr de la foi et de la justice devenu indigène, nous appelle maintenant,
nous tous qui sommes au bord d'une troisième guerre mondiale, à nous engager
auprès de tant d'autres peuples marginalisés et, de là, à nous réconcilier avec
nous-mêmes, avec les autres, avec toute la création, et à vivre ainsi notre
réconciliation avec Dieu.
Par Aloir Pacini, jésuite et anthropologue à l'UFMT
(MG, Brésil)